Jurisprudence - Exercice de la profession d'avocat par un mandataire juridiciaire

Actualité
29/06/2022

L'article L. 811-10, alinéa 1, du Code de commerce autorise un administrateur judiciaire à exercer la profession d'avocat, quand l'article L. 812-8, alinéa 1, du même code le prohibe pour un mandataire judiciaire.

Une différence de traitement qui pose question et sur laquelle le Conseil constitutionnel est amené à se prononcer à brève échéance.

L' article L. 812-8 du Code de commerce, en ce qu'il interdit au mandataire judiciaire l'exercice de la profession d'avocat, est-il contraire au principe d'égalité devant la loi, dès lors que cet exercice est ouvert aux administrateurs judiciaires (C. com., art. L. 811-10), profession par ailleurs soumise aux mêmes conditions et contraintes que le mandataire judiciaire ? À l'invitation de la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question, devant y répondre dans les prochaines semaines.

En cause, donc, une éventuelle méconnaissance du principe d'égalité qui ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

Qu'en est-il dans le cas présent ?

Les missions exercées respectivement par les administrateurs et mandataires judiciaires, pour le traitement des entreprises en difficulté, sont distinctes : les premiers sont chargés en effet, selon l'article L. 811-1, alinéa 1, du Code de commerce d'administrer les biens d'autrui ou d'exercer des fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion de ces biens afin de parvenir à la sauvegarde ou au redressement de l'entreprise ; quand les seconds, d'après l'article L. 812-1 du même code, sont chargés, eux, de représenter les créanciers, de déterminer le passif du débiteur et de procéder, le cas échéant, à la liquidation de l'entreprise pour apurer le passif.

Il n'empêche : les deux professions, qui s'exercent sous mandat de justice et sont dépourvues de clientèle, répondent à des conditions d'accès et des statuts similaires ; elles sont soumises par ailleurs aux mêmes obligations déontologiques, parmi lesquelles celle de l'indépendance, ainsi qu'à des règles identiques quant à leur contrôle et à leur discipline.

Dès lors, la confrontation des articles L. 811-10 et L. 812-8 du Code de commerce établit « une différence de traitement entre deux situations qui paraissent similaires, sans que leur traitement différencié semble justifié par des motifs d'intérêt général », selon la Cour de cassation qui a, dans ces conditions, décidé de saisir le Conseil constitutionnel.

En revanche, la Cour n'a pas réservé le même sort à une seconde QPC, portant toujours sur l'article L. 812-8 du Code de commerce, libellée ainsi : en ce qu'il interdit au mandataire judiciaire l'exercice de la profession d'avocat, cet article est-il contraire au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre en portant une atteinte disproportionnée à celle-ci au regard des objectifs d'intérêt général que la loi entend poursuivre, la profession de mandataire judiciaire étant elle-même soumise à une certaine concurrence ?

Sources Lexis-Nexis

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