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21/01/2021

Comparution immédiate : l'exigence d'une comparution « le jour même » ne doit pas s'interpréter au pied de la lettre !

L'exigence d'une comparution « le jour même » de la présentation de l'intéressé au parquet ne saurait être interprétée comme la nécessité de le juger impérativement avant minuit, mais comme celle de le faire comparaître au cours de l'audience considérée, quand bien même celle-ci se terminerait après minuit en raison de contraintes diverses.

En l'espèce, après avoir été prolongée, la garde à vue du demandeur a été levée le 1er juin 2018 à 8 heures 50. Il a ensuite été déféré le même jour à 13 heures 55 devant le procureur de la République qui lui a notifié sa comparution immédiate (CPP, art. 395). Selon les notes d'audience, il a comparu sous escorte devant le tribunal le 2 juin 2018 à 00 heures 47. Par jugement en date du 1er juin 2018, le tribunal se déclare non saisi des faits, dès lors que l'intéressé n'avait pu être jugé le jour même en application de ce même article. L'arrêt confirmatif d'appel déclare à son tour le tribunal correctionnel non saisi des faits reprochés au demandeur en énonçant que ces faits ne pouvaient être jugés suivant la procédure de comparution immédiate dès lors qu'il résultait des notes d'audience qu'ils n'avaient pas été examinés le jour même du défèrement, soit le 1er juin 2018, avant minuit.

La chambre criminelle de la Cour de cassation casse l'arrêt. Selon elle, les juges ont méconnu le principe selon lequel, lorsque les conditions d'une comparution immédiate sont remplies, le procureur de la République peut traduire, sur-le-champ devant le tribunal, le prévenu qui est retenu jusqu'à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même (CPP, art. 395).

La motivation de la Cour est triple :

  • le tribunal correctionnel est irrévocablement saisi par le procès-verbal de notification établi par le procureur de la République ;
  • l'exigence d'une comparution « le jour même » de la présentation de l'intéressé au parquet ne saurait être interprétée comme la nécessité de le juger impérativement avant minuit, mais comme celle de le faire comparaître au cours de l'audience considérée, quand bien même celle-ci se terminerait après minuit en raison de contraintes diverses ;
  • dès lors que l'intéressé a été présenté à la formation du siège avant l'expiration du délai de 20 heures couru à compter de la levée de sa garde à vue il a été satisfait à la réserve posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 17 décembre 2010 (V. Cons. const., 17 déc. 2010, n° 2010-80 QPC). Dans cette décision, le Conseil déclare en effet l'article 803-3 du Code de procédure pénale conforme à la Constitution sous la seule réserve qu'à l'issue d'une mesure de garde à vue prolongée par le procureur de la République la personne retenue soit effectivement présentée à un magistrat du siège avant l'expiration du délai de 20 heures prévu par cet article. En l'espèce, la garde à vue ayant été levée le 1er juin 2018 à 8 heures 50 et le prévenu ayant comparu devant le tribunal correctionnel le 2 juin 2018 à 00 heures 47.

Notons que dans un arrêt du 13 juin 2018 (Cass. crim., 13 juin 2018, n° 17-85.940) la Cour citait cette même décision QPC de 2010 du Conseil constitutionnel, pour casser un arrêt aux visas des articles 803-2 et 803-3 du Code de procédure pénale. Elle exposait dans ses motifs que la personne qui fait l'objet d'un défèrement à l'issue de sa garde à vue ne peut être retenue jusqu'au lendemain dans l'attente de sa comparution devant un magistrat qu'en cas de nécessité et qu'il incombe à la juridiction, saisie d'une requête en nullité de la rétention, de s'assurer de l'existence des circonstances ayant justifié la mise en œuvre de cette mesure.

Cet arrêt de cassation tout en visant l'article 395 du Code de procédure pénale, précise ainsi, à son tour, les contours de cette réserve émise par le Conseil constitutionnel en 2010.

Sources : Cass. crim., 12 janv. 2021, n° 20-80.259, F-P + B + I

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