Jurisprudence - Mention des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d'appel

Actualité
19/01/2022

La mention des chefs de jugement critiqués doit figurer dans la déclaration d'appel

La mention des chefs de jugement critiqués doit figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul ; mais, en cas d'empêchement d'ordre technique, l'appelant peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.

Voilà ce qui résulte de cet arrêt de la Cour de cassation en date du 13 janvier 2022.

La Cour tient ici un raisonnement très structuré qui nous invite à y tirer 2 enseignements :

1er enseignement : nécessité de mentionner les chefs du jugement expressément critiqués. La Cour de cassation se fonde sur les articles 901, 4° et 562 du Code de procédure civile pour retenir que :

  • la déclaration d'appel est faite, à peine de nullité, par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ;
  • seul l'acte d'appel emporte dévolution des chefs critiqués du jugement.

C'est dans ce sens que statuait déjà la Cour dans un arrêt en date du 30 janvier 2020 dans lequel il est dit que « l'obligation, prévue par l'article 901,4° du Code procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel » (Cass. 2e civ., 30 janv. 2020, n° 18-22.528, FS-P + B + I ; Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-16.954, F-P + B + R + I).

On retiendra aussi que cette obligation d'indication des chefs de jugement critiqués est aussi requise dans la déclaration de saisine de la cour de renvoi après cassation (Cass. 2e civ., 15 avr. 2021, n° 19-20.416, F-P).

2e enseignement : nécessité de mentionner les chefs du jugement expressément critiqués dans la déclaration d'appel en l'absence d'empêchement technique. Selon la Cour de cassation, les mentions prévues par l'article 901,4° du Code procédure civile doivent figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul ; cependant, en cas d'empêchement d'ordre technique, l'appelant peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.

Une telle prise de position judiciaire fait penser à la circulaire du garde des Sceaux du 4 août 2017 selon laquelle : « dans la mesure où le RPVA ne permet l'envoi que de 4 080 caractères, il pourra être annexé à la déclaration d'appel une pièce jointe la complétant afin de lister l'ensemble des points critiqués du jugement. Cette pièce jointe, établie sous forme de copie numérique, fera ainsi corps avec la déclaration d'appel. L'attention du greffe et de la partie adverse sur l'existence de la pièce jointe pourra opportunément être attirée par la mention de son existence dans la déclaration d'appel »(Circ. NOR : JUSC1721995C, 4 août 2017 : BOMJ n° 2017-08, 31 août 2017).

De ce constat, la Cour de cassation retient, ici, que : ayant constaté que les chefs critiqués du jugement n'avaient pas été énoncés dans la déclaration d'appel formalisée par la banque, celle-ci s'étant bornée à y joindre un document intitulé « motif déclaration d'appel pdf », la cour d'appel, devant laquelle la banque n'alléguait pas un empêchement technique à renseigner la déclaration, en a exactement déduit que celui-ci ne valait pas déclaration d'appel, seul l'acte d'appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il n'en demeure pas moins qu'il ne faudrait pas oublier que l'absence de mention des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d'appel constitue une nullité pour vice de forme ; et qu'elle peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 901,4° du Code procédure civile (Cass. 2e civ., avis, 20 déc. 2017, n° 17-70.034 - Cass. 2e civ., avis, 20 déc. 2017, n° 17-70.036 - Cass. 2e civ., avis, 20 déc. 2017, n° 17-70.035 - Cass. 2e civ., 30 janv. 2020, n° 18-22.528, FS-P + B + I, préc. - Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-16.954, F-P + B + R + I, préc.).

Le Conseil national des barreaux alerte sur le point suivant : lorsque la motivation de la déclaration d’appel dépasse les 4 080 caractères, il faut préciser, dans l’encart des 4 080 caractères, qu’une annexe précisant les chefs de jugement critiqués est jointe à la déclaration d’appel du fait du dépassement des 4 080 caractères. En dessous des 4 080 caractères, la Cour n'est pas saisie des chefs de jugement qui y sont mentionnés.

Le CNB attire aussi l’attention des avocats sur le fait que la Cour de cassation ne reporte pas les effets dans le temps de son arrêt, qui est donc rétroactif.

Les avocats qui ont fait des déclarations d’appel de moins de 4 080 caractères accompagnés d’annexes sont invités à régulariser ces déclarations d’appel dans les 3 mois de l'appel initial par une nouvelle déclaration d’appel, via le RPVJ, en mentionnant qu'il s'agit d'un acte de régularisation. Cette action devra être réalisée en indiquant le RG et en respectant les délais de la première déclaration d’appel pour tout ce qui est des délais « Magendie ».

Cet arrêt de la Cour de cassation a suscité de vives réactions lors de l’Assemblée générale du 14 janvier 2022.

Il a été décidé de saisir le Ministre de la justice afin de supprimer cette contrainte technique, à défaut de modifier l’article 901 CPC afin d’autoriser l’annexion d’un document listant les chefs de jugement attaqués et enfin d’engager une réflexion plus globales sur les réformes nécessaires de la procédure d’appel.

Source Lexis-Nexis

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