Chronique Juridique
17/07/2019

La transmission à titre gratuit de l’entreprise est une opération complexe qui implique à la fois des dimensions psychologiques, juridiques, fiscales, sociales, économiques et humaines.

Par Nicholas CULLEN

Avocat à la cour

(article paru dans La Dépêche du Midi, annonces légales en juin 2019)

Sa réussite est essentiellement subordonnée à la réalisation d’une approche stratégique intégrant une dimension fiscale.

Ce qui nous rappelle l’adage d’Antoine de Saint-Exupéry : «Pour ce qui est de l’avenir,il ne s’agit pas de le prévoir mais de le rendre possible ».

  • La nécessité d’une approche stratégique

Transmission subie (par décès) ou préparée, le choix tombe sous le sens. Mais sa réussite implique entre autres d’éviter les excès en trouvant les bons dosages et le meilleurs compromis. Voici quelques thèmes non exhaustifs de réflexion.

Déterminer la valeur : Notamment afin de protéger la paix familiale, la valorisation de l’entreprise est un préalable incontournable. Elle ne doit être ni surévaluée, ni sous-évaluée.

Adopter un état d’esprit : Lorsqu’un architecte rénove un édifice, il cherchera à comprendre l’intelligence de ceux qui sont passés avant lui. On constate fréquemment que la référence au passé détermine les choix à venir.

Établir un calendrier : Si certains donateurs souffrent d’une envie irrésistible de transmettre au plus vite l’entreprise, d’autres souffrent d’un excès de réflexion sclérosant toute action.

Chasser les préjugés : De l’égalitarisme du donateur ayant pour volonté le respect de la plus stricte égalité entre les donataires au favoritisme forcené de celui qui entend favoriser à tout prix le repreneur,le donateur bénéficie d’une latitude considérable.

Dissocier la propriété du pouvoir :Dans le cadre sociétaire, il est possible de dissocier la transmission des titres de celle du pouvoir. Le donateur peut par exemple transmettre la quasi-totalité des titres et conserver des droits de votes lui permettant d’accéder àla majorité aux assemblées.

  •  L’intégration d’une dimension fiscale

La fiscalité constitue un frein non négligeable au travers de l’impôt sur la plus-value et des droits de mutation.

Heureusement, le législateur a instauré des dispositifs permettant d’atténuer ces coûts dans le cadre des transmissions par donation ou par décès d’entreprises familiales.

S’agissant de l’impôt sur la plus-value, l’entrepreneur individuel dispose de plusieurs régimes d’exonération (articles 151 septies, 238 quindecies et 41 du CGI) subordonnant leur application à des conditions différentes.

Si l’entreprise est sous forme sociétaire, la transmission portera sur les parts sociales. Les plus-values ne seront pas taxées dans le cadre des sociétés soumises àl’IS (article 150 O-A-I-1 du CGI).

Concernant les droits de mutation à titre gratuit, il existe un dispositif (article 787-B du CGI) qui permet de s’en exonérer partiellement en autorisant l’application d’un abattement de 75 %sur la valeur des fonds de commerce, artisanaux et libéraux. Cet abattement s’applique aussi aux parts et aux actions d’une société ayant une activité opérationnelle lorsqu’elles sont transmises par donation ou par décès.

Ce régime, complexe mais très puissant, est communément appelé «Pacte Dutreil ».

Conclusion : Vous l’aurez compris, la transmission se prépare et se construit avec temps et discernement. Je vous invite donc à suivre le judicieux conseil de Boileau :«Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. Polissez-le sans cesse, et le repolissez. Ajoutez quelquefois, et souvent effacez ».

FOCUS

Le Pacte Dutreil est subordonné à plusieurs conditions :

  • Des conditions à respecter au jour de la transmission : existence d’un engagement collectif de conservation des titres enregistré et exercice d’une fonction de direction par l’un des signataires.
  • Des conditions à respecter après la transmission : poursuite de l’engagement collectif de conservation par les bénéficiaires de la transmission, engagement individuel de conservation des titres transmis pendant 4ans et exercice d’une fonction de direction.
  • Des conditions déclaratives :au jour de la transmission et ultérieurement.

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