Prolongation des détentions provisoires pendant l’état d'urgence sanitaire

Actualité
27/05/2020

La Cour de cassation livre son interprétation

La Cour de cassation, dans deux arrêts rendus le 26 mai 2020, « lève les incertitudes sur la mise en œuvre de l’article 16 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 prévoyant la prolongation de plein droit des détentions provisoires (Ord. n° 2020-303, 25 mars 2020). Cet article soulevait une difficulté majeure d’interprétation, suscitant des divergences d’analyse par les différentes juridictions de première instance comme d’appel » (C. cass., communiqué, 26 mai 2020). La Cour a également transmis deux QPC relatives à la loi d’habilitation du 23 mars 2020 sur le fondement de laquelle l’article 16 a été adopté.

L’ordonnance prévoit une prolongation de plein droit « des délais maximums de détention provisoire » (Ord. n° 2020-303, 25 mars 2020, art. 16). Or, dès son entrée en vigueur, cette disposition a suscité plusieurs interrogations :

  • comment doit être interprétée l’expression « les délais maximums » de détention provisoire sont « prolongés de plein droit » ?
  • l’article 16 de l’ordonnance excède-t-il les limites de l’habilitation législative ?
  • est-il conforme aux exigences constitutionnelles et conventionnelles en matière de liberté individuelle ?

Dans sa note explicative, la Cour de cassation indique que les enjeux de ces questions sont « considérables » dans la mesure où cette disposition a vocation à « s’appliquer à toutes les détentions provisoires en cours, qu’elles soient pendant l’information judiciaire ou après règlement de la procédure jusqu’à la condamnation définitive ».

L’interprétation de l’article 16

La Cour juge que cette disposition s’interprète comme prolongeant, sans intervention judiciaire, pour les durées qu’il prévoit, tout titre de détention venant à expiration, mais à une seule reprise au cours de chaque procédure.

La conformité de l’article 16 à la loi d’habilitation

La Cour de cassation estime que le Gouvernement n’a pas excédé les limites de la loi d’habilitation.

L’examen de la constitutionnalité de la loi d’habilitation

La Cour de cassation a décidé de renvoyer deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 qui autorise le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi « afin de faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de Covid-19 ». Elle considère qu’eu égard à l’atteinte qui pourrait être portée à la liberté individuelle, cette disposition pourrait ne pas préciser suffisamment les modalités de l’intervention du juge judiciaire lors de l’allongement des délais de détention.

L’examen de la conventionnalité de l’article 16

La chambre criminelle juge que l’article 16 n’est compatible avec l’article 5 de la Convention EDH qu’à la condition qu’un juge judiciaire examine à bref délai, s’il ne l’a déjà fait, la nécessité de la détention en cause. Dans toutes les hypothèses où un tel contrôle du juge n’a pu ou ne peut plus être exercé, la personne détenue devra être libérée.

Sources : Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.971, FS-P+B+I ; Cass. crim., 26 mai 2020, n° 20-81.910, FS-P+B+I

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