Chronique Juridique
07/11/2022

Par Laurent DUCHARLET

Avocat à la Cour

EDCT ou l’exécution déloyale du contrat de travail se définit devant les tribunaux comme tout manquement commis par l’employeur à l’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail.

Cette obligation est posée par l’article L.1222-1 du Code du travail de manière simple et claire : "Le contrat de travail est exécuté de bonne foi". Elle est une déclinaison en droit du travail, du principe d’ordre public prescrit par le Code civil : "Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi" (C. Civil Art. 1104).

Pour la Cour d’appel de Poitiers, cette obligation "vise à permettre l’exécution du contrat dans les meilleures conditions possibles" et "impose aux parties d’adopter un comportement respectant les intérêts essentiels de l’autre partie et prohibe toute déloyauté vis-à-vis de celle-ci, a fortiori toute intention malveillante."

Enfreindre cette obligation expose l’employeur à devoir verser des dommages et intérêts au salarié lésé.

Un mal croissant aux nombreuses facettes

Les précédents judiciaires en matière d’EDCT ne manquent pas. Ce terrain de batailles judiciaires s’accroît au fil des années.

Pourquoi ?

Parce que les occasions de manquer à cette obligation et ainsi, pour l’employeur de se rendre coupable aux yeux des juges, d’une exécution déloyale de contrat de travail fleurissent en toute saison en raison de la multiplication constante des obligations mises à sa charge.

Parce qu’en même temps, le contentieux de la rupture du contrat de travail a perdu de son attrait financier après l’instauration d’un barème légal encadrant l’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse (C. travail Art. L.1235-3).

L’EDCT peut être retenue aussi bien en matière de rémunération, formation professionnelle, entretien professionnel, santé et sécurité au travail, évolution professionnelle, documents de fin de contrat de travail, frais professionnels…

Retenue par les tribunaux, l’exécution déloyale du contrat de travail fonde l’allocation de dommages et intérêts à la charge de l’employeur, dont le chiffrage n’est pas encadré par le législateur.

La somme allouée est évaluée par les juges qui s’appuieront fréquemment sur les pièces produites par le salarié pour justifier d’un préjudice financier spécifique.



Des condamnations à 4 voire 5 chiffres

A titre d’exemples, ont été prononcées les condamnations suivantes :

  • 2.500 € à la charge de l’employeur qui avait manifesté une résistance dans le paiement du bonus, la prise en charge des frais de transport et la remise tardive des documents sociaux,
  • 5.000 € contre celui qui avait refusé durant de nombreuses années systématiquement au salarié des postes sur lesquels il avait postulé,
  • 3.000 € en raison du versement très tardif des heures supplémentaires,
  • 3.500 € à la suite d’un non-paiement total des salaires ou leur paiement aléatoire, l’absence d’affiliation auprès d’un organisme de prévoyance et l’absence de règlement des cotisations sociales à l’assurance retraite, causant une situation d’anxiété résultant de la précarité de sa situation,
  • 12.000 € contre celui qui avait procédé à une dilution des responsabilités confiées au salarié contribuant à vider son poste de sa substance, entraînant un arrêt de travail pour trouble anxio-dépressif dans un contexte de stress au travail,
  • 30.000 € pour indemniser un salarié dont l’employeur a eu la volonté de l’évincer d’un certain nombre de dossiers sans lui assurer la fourniture de travail suffisante, ni un degré de formation permettant son évolution au sein du cabinet,
  • 1.000 € pour sanctionner la pratique réitérée de paiement d’heures supplémentaires par des primes, outre le paiement de rappel de salaire pour les heures supplémentaires établie
  • 1.500 € contre l’employeur qui a refusé de payer des temps de trajet et des indemnités kilométriques du salarié, malgré ses demandes réitérées.

L’EDCT doit devenir une véritable préoccupation pour l’employeur, sans quoi il s’expose à des poursuites et des condamnations financières lourdes.

Se prémunir de ce mal de l’EDCT passe indéniablement par une meilleure connaissance de ses obligations à l’égard de son personnel. Qui mieux que les avocats dédiés aux problématiques du droit du travail pour les accompagner.

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