Chronique Juridique
03/05/2021

Par Claire ROY

Avocat à la Cour

L’extension de l’Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020 sur le télétravail rend-elle son application obligatoire ?

Alors qu’une certaine lassitude s’installe chez les employeurs et les salariés en télétravail et que le nombre de télétravailleurs baisse, l’Accord National Interprofessionnel (ANI) signé le 26 novembre 2020 sur le télétravail a été « étendu ».

Quelles sont les conséquences pratiques de cette « extension » ?

L’arrêté d’extension publié au Journal Officiel du 13 avril dernier a pour objet de rendre obligatoire l’application de l’ANI pour les entreprises représentées par les organisations patronales signataires de l’accord (MEDEF, CPME et U2P).

Ces entreprises doivent donc se référer à cet ANI pour mettre à jour leur pratique du télétravail, sauf à conclure un accord sur le sujet.

En effet, il reste possible de déroger à l’ANI par le biais d’un accord d’entreprise, d’établissement ou de groupe. La portée de l’extension est donc en pratique limitée.

Ainsi, l’ANI a plutôt vocation à servir d’outil d’aide au dialogue social pour que les employeurs négocient un accord au sein de leur entreprise sur le télétravail.

Les bases du télétravail

L’ANI rappelle la définition : le télétravail désigne « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication ».

En pratique, le télétravail peut s’exercer :

  • au lieu d’habitation du salarié ou dans un tiers-lieu (par exemple, un espace de co-working) ;
  • de façon régulière ou occasionnelle, ou dans l’hypothèse de circonstances exceptionnelles ou de force majeure.

Hors circonstances exceptionnelles, le télétravail reste régi par le double volontariat : celui de l’employeur et celui du salarié.

En cas de refus, l’ANI rappelle que l’employeur doit motiver sa décision lorsque :

  • l’accès au télétravail est ouvert dans l’entreprise par accord collectif ou charte, et que le salarié occupe un poste télétravaillable ;
  • le salarié est en situation de handicap ou aidant un proche.

Dans les autres cas, l’employeur doit simplement préciser les raisons de son refus.

L’ANI précise également que le refus du salarié de télétravailler n’est pas en lui-même un motif de licenciement.

Pour privilégier la souplesse, la formalisation de cet accord peut se faire par tout moyen, même si un écrit est toujours préférable.

La protection du salarié

L’ANI rappelle la possibilité de prévoir une période d’adaptation au télétravail, comme une phase de test.

Est ensuite évoqué le besoin d’organiser l’utilisation des outils numériques dans le respect de la protection des données personnelles.

L’accent est mis sur la prévention des risques liés au télétravail afin d’éviter l’isolement des salariés concernés, notamment par la mise en place d’une communication adaptée, la formation des managers en la matière et la mise en avant du droit à la déconnexion.

Sur le thème des frais professionnels, l’arrêté d’extension complète l’accord en précisant que l’employeur doit prendre en charge les dépenses engagées par le salarié après validation préalable de l’employeur.

Rien de bien nouveau sous le soleil du télétravail ?

Les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à s’accorder pour faire évoluer les règles existantes et innover en la matière, et ont renvoyé les entreprises vers la négociation.

Il appartient donc aux entreprises de se saisir des outils à leur disposition et d’ouvrir le dialogue pour encadrer la pratique selon les spécificités de leurs activités et du climat social.

Même les petites entreprises dépourvues de représentants du personnel peuvent négocier des accords à leur échelle, pas seulement sur le thème du télétravail, mais également sur l’aménagement de la durée du travail, l’épargne salariale...

Les avocats du Barreau de Toulouse se tiennent à votre disposition pour vous accompagner dans ces processus et les sécuriser, et pour répondre à vos interrogations en droit du travail.

Article publié dans La Dépêche du Midi, Annonces légales.

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