Le risque de perte d’exploitation résultant de la crise sanitaire liée à la COVID 19 était-il assuré ?

Chronique Juridique
03/08/2020

Article publié dans La Dépêche du Midi, Annonces légales, du 2 août 2020

Par Marie-Line SALVADOR et Jacques MONFERRAN, avocats

 

C’est l’interrogation contemporaine.

Cette crise a généré une perte d’activité partielle voire totale pour de nombreuses sociétés, multiples commerçants, artisans ou encore professionnels libéraux.

Une perte d’exploitation, autrement dit une diminution de l’activité générant une réduction du chiffre d’affaires, constitue un risque pour l’entreprise dont les conséquences sont garanties par certains contrats d’assurance.

A l’occasion des déclarations de sinistres, ces mêmes sociétés, commerçants, artisans ou professionnels libéraux se sont vus opposer une exclusion de garantie par leur compagnie d’assurance.

Que doit-on retenir de cette position des professionnels du risque ?

La clause visant la garantie litigieuse est intégrée dans les contrats d’assurance, au sein des développements intitulés « perte d’exploitation suite à fermeture administrative ».

Face aux refus des assureurs d’exécuter leurs obligations contractuelles, les assurés ont saisi les tribunaux en référé.

D’une part, certaines juridictions se sont estimées incompétentes, considérant nécessaire une étude du dossier au fond.

D’autre part, les contrats ont été jugés comme étant rédigés en des termes clairs n’étant pas sujet à interprétation, ni à aucune contestation sérieuse, raison pour laquelle les magistrats ont donné gain de cause aux professionnels lésés.

Les compagnies d’assurance refusant la mobilisation de leur garantie estiment que la crise sanitaire actuelle est générée par une pandémie dont les conséquences ne sont pas assurables.

Or, les tribunaux ont décidé que cette position était infondée et que cet événement ne faisait pas l’objet d’une exclusion contractuelle.

Les assureurs contestant l’indemnisation de la perte d’exploitation retiennent également que l’arrêté du 14 mars 2020 ne constitue pas une décision de fermeture administrative.

Les magistrats ont confirmé qu’il s’agissait bien d’une décision de fermeture administrative visant l’interdiction de recevoir du public au sens du contrat d’assurance.

Les compagnies d’assurance contestent enfin la compétence des tribunaux saisis en référé en raison du « besoin d’interprétation du contrat d’assurance ».

Cette position des assureurs, lorsqu’elle aura été retenue par les juges, doit générer une interprétation en faveur de l’assuré, ce dernier n’ayant pas rédigé les clauses et étant profane en la matière.

Deux décisions judiciaires font grand bruit.

Par ordonnance du 22 mai 2020, le Tribunal de commerce de Paris a statué en référé, condamnant une compagnie d’assurance au paiement de la somme provisionnelle de 45 000 euros sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard au titre de la perte d’exploitation.

Les faits se rapportaient à un restaurateur parisien ayant subi une perte d’exploitation en raison de la fermeture administrative de son restaurant.

Les magistrats ont suivi ses arguments, considérant notamment qu’il appartenait à la compagnie d’assurance d’exclure le risque pandémique de ses garanties, mention défaillante en l’espèce.

Cette décision n’est pas à la marge, le Tribunal de Nanterre a pris la même position concernant un ensemble hôtelier.

L’ordonnance du 17 juillet 2020 octroie à l’assuré la somme de 450 000 euros à titre d’indemnisation provisoire de la perte d’exploitation à la charge de la compagnie d’assurance.

Bien qu’ils s’agissent de décisions provisoires car rendues en référé et susceptibles d’appel, les juges ont ouvert la voie de l’indemnisation, et on ne saurait que conseiller aux professionnels du secteur de lancer des actions pour élargir la brèche ».

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