Chronique Juridique
06/07/2020

Article publié dans La Dépêche du Midi, Annonces légales, du 5 juillet 2020

Par Armelle AMICHAUD-DABIN, avocat

Associé fondateur de ka SELARL A.A.D. Avocats

Le confinement a permis de préserver la santé des individus, mais certainement pas celle des entreprises.

Les mesures prises par le gouvernement ont eu un impact direct sur de nombreuses entreprises qui font face, sinon à une chute brutale de leur clientèle, du moins à une interdiction d’ouvrir leurs locaux.

Pour survivre, certaines ont arrêté de payer leur loyer.

Que dit le droit ?

L’ordonnance du 25 mars 2020 suivie du décret du 2 avril 2020 a instauré une aide financière pour certaines entreprises mais pas que…

Elle les a aussi autorisées à suspendre le règlement de leurs loyers commerciaux, pour celles qui :

  • Ont fait l’objet d’une obligation d’interdiction au public :
  • Ont démarré leur activité avant le 1er février 2020 ;
  • Emploient moins de 10 salariés ;
  • Ont un chiffre d’affaires inférieur à 1.000.000 € ;
  • Ont un bénéfice inférieur à 60.000 € ;
  • Justifient d’une baisse du chiffre d’affaires supérieure à 50% depuis le 1er mars 2020.

A noter que seule la suspension est prévue et non pas l’annulation.

Pour les bénéficiaires, l’application de pénalités financières, de dommages et intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire ou de clause pénale, d’activation des garanties ou cautions, est prohibée (même prévus par le contrat).

Cette interdiction s’applique aux loyers et charges locatives, dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, soit jusqu’au 10 septembre 2020.

Pour les entreprises qui ne rentrent pas dans le cadre légal de l’ordonnance du 25 mars 2020 et décret du 2 avril 2020, il existe encore un patchwork de possibilités juridiques :

  • Pour celles qui accueillaient du public et ont été dans l’obligation de fermer, le locataire empêché d’exploiter son Fond de Commerce, peut faire valoir être en droit de ne pas avoir à régler les loyers, si le bail ne prévoit pas la pandémie, comme cas de force majeure exonératoire de l’obligation de délivrance du bailleur.
  • Pour celles qui n’ont pas été empêchées de fermer, mais souffrent gravement de la situation économique, l'article 1195 du Code civil permet une renégociation du contrat, à la suite de la survenance d'une situation qui était imprévisible, au moment de la conclusion du contrat initial.

Cette faculté a été introduite en Droit des contrats par une loi du 1er octobre 2016 et s’applique donc aux baux commerciaux signés après cette date, mais avant l’apparition du virus en Chine.

Dans tous les cas, on rentre alors dans un cadre contentieux avec une procédure longue et couteuse, tant pour le bailleur, que pour le locataire.

Qu’a-t-il été prévu au-delà du cadre légal ?

Il faut savoir que des engagements ont été pris par les principales fédérations de bailleurs, qui ont appelé leurs adhérents à annuler 3 mois de loyers pour les TPE, contraintes de fermer et pour les autres entreprises fragilisées, à engager des discussions et proposer des aménagements.

Concernant les commerces des centres commerciaux, le Conseil national des centres commerciaux a, d’ores et déjà, invité ses membres bailleurs, à mensualiser les loyers et charges du 2ème trimestre et suspendre le recouvrement du mois d’avril pour les loyers mensualisés.

Il apparait donc préférable de privilégier la voie de la discussion et négociation, entre le bailleur et le locataire, pour demander l’échelonnement ou l’annulation des loyers, voir renégocier le bail pour l’avenir.

Le bailleur a en effet un intérêt évident à ce que son locataire ne soit pas confronté à une procédure collective et le locataire un intérêt à anticiper la fin de la cessation de l’Etat d’urgence sanitaire et se donner une visibilité sur son avenir.

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La solution la plus pragmatique : dialoguer et trouver un accord

Pour les entreprises qui entrent dans le cadre de l’ordonnance du 25 mars et du décret du 2 avril 2020, il faut anticiper, dès maintenant, la fin de la période d’urgence sanitaire.

Le 10 septembre 2020, C’est demain !

Pour les autres entreprises aucune raison d’attendre non plus !

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