Chronique Juridique
19/03/2019

Daniel MINGAUD

Avocat au Barreau de TOULOUSE – Droit du travail

Comme il l’a déjà été indiqué dans ces colonnes, au printemps dernier, la Cour de cassation a ôté une épine du pied de bon nombre de DRH en jugeant que l'existence d'un différend au moment de la conclusion d’une rupture conventionnelle n'affectait pas en soi la validité de la convention (Cass.soc. 23 mai 2013, n° 12-13.865).

Il est vrai que les juges ne peuvent aujourd’hui faire fi de la réalité : deux ruptures conventionnelles sur trois se concluraient dans un contexte de malaise…

Après avoir confirmé cette jurisprudence dans le cadre d’un litige concernant un salarié protégé (Cass.soc. 26 juin 2013, n° 12-15.208), la Haute Cour vient désormais de la rappeler dans un contentieux ayant trait à un employé en arrêt-maladie (d’origine non professionnelle).

Dans l'affaire en cause, le salarié avait signé la rupture conventionnelle alors qu’il était en arrêt maladie depuis près de 9 mois, à la suite d'une dépression qu'il imputait à son travail.

Son médecin traitant faisait en effet état "d'un syndrome anxiodépressif en rapport avec une situation de souffrance au travail (conflit hiérarchique, tensions relationnelles, pressions,...)".

Le 14 janvier 2009, il signait une rupture conventionnelle avec son employeur, rupture homologuée par l'administration le 9 février 2009.

Le salarié a alors saisi les juges pour demander que la rupture conventionnelle soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour ce faire, il prétendait être en arrêt maladie dans un contexte (selon lui) de harcèlement, de discrimination et de tensions professionnelles, ajoutant qu'il n'avait pas bénéficié d'une visite de reprise (auprès des Services de Santé au Travail)…En vain.

Après en effet avoir rappelé que « l'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture », la Cour de cassation a retenu également que les juges du fond (de la Cour d’appel de Rennes) n'avaient relevé aucun agissement laissant présumer un quelconque harcèlement moral et confirmé que le consentement du salarié était bien libre et éclairé.

Dans ce cas, les juges ont bien rejeté les prétentions du salarié.

Mais ne soyons pas dupes : ils restent extrêmement vigilants quant au libre consentement des parties (et plus particulièrement de celui du salarié).

La moindre pression pour obtenir la signature d’une rupture conventionnelle est à proscrire absolument, sous peine de nullité (avec toutes les conséquences financières résultant de la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse) (Cass. soc., 30 janv. 2013, n° 11-22.332).

Face à ce type de contentieux en plein essor, l’employeur doit aujourd’hui redoubler de prudence lorsqu’un salarié, se plaignant de harcèlement moral, sollicite un départ (de l’entreprise) via la rupture conventionnelle. Il doit, a minima, s’assurer des intentions du salarié par une confirmation écrite.

Plus largement, s’il est en arrêt maladie, mieux vaut éviter le plus possible de recourir à la rupture conventionnelle, car l’employeur ne peut jamais jauger (avec certitude) de la pathologie du salarié, ni de sa capacité de discernement.

(Cass. soc., 30 sept. 2013, n° 12-19711)

 

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