Publication d'un rapport sur les MAAD

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07/08/2019

Quel est le poids des MAAD dans la prise de décision ?

La Mission Droit et Justice a publié un rapport intitulé « Comment le numérique transforme le droit et la Justice vers de nouveaux usages et un bouleversement de la prise de décision » rédigé par trois chercheurs, Lêmy Godefroy, Maître de conférences HDR en droit, Frédéric Lebaron, Professeur en sociologie, et Jacques Lévy-Vehel président de Case Law Analytics.

Ce rapport présente différents outils numériques que sont les modes algorithmiques d'analyse des décisions (MAAD) et leur application à certains contentieux. Il se penche, entre autres, sur les préjudices corporels.

Parmi ses résultats, elle montre que les petites cours d'appel sont globalement moins généreuses que les plus grandes. Autre calcul : l'impact du montant proposé par l'assureur sur l'indemnisation accordée. Une approche mathématique montre que l'assureur n'a souvent pas intérêt à proposer une indemnisation nulle. La notion de justice prédictive est considérée par les auteurs comme « vide de sens » voire « dangereuse ». Ils décrivent les prestations de différentes legaltechs à travers le monde, dont l'objectif est de quantifier l'aléa juridique, pour apporter aux juristes des projections de solutions fiables.

Les auteurs du rapport se sont également penchés sur l'encadrement juridique des MAAD. L'objectif est de proposer un encadrement juridique de ces outils avec, en perspective, la volonté de préserver les intérêts respectifs et conjugués de la justice, des justiciables et de leurs conseils. Le rapport contient 21 propositions cadres de régulation juridique relatives au périmètre des MAAD, à leur éthique, à leur maîtrise, à la responsabilité du fait des MAAD, et au règlement des litiges à l'aide des MAAD à titre facultatif.

Enfin, les chercheurs ont mené une enquête auprès des magistrats sur leur appropriation des MAAD. 85 % des répondants ont un avis globalement favorable. Seuls 10 % sont défavorables, et 5 % considèrent le mouvement de toute façon inéluctable. Parmi ses aspects positifs, les MAAD affineraient les actuels barèmes et insuffleraient un sentiment de plus grande sécurité juridique. Parmi les craintes, le risque d'un effet performatif et du conformisme est exprimé par 40 % des magistrats. De manière unanime, les magistrats considèrent que ces outils ne doivent pas se substituer au juge : cela entraînerait la déshumanisation de la justice, la rupture du dialogue avec les justiciables et la privatisation du règlement des litiges.

De cette enquête ressort un certain nombre de proposition. Selon les magistrats, il serait nécessaire de restreindre le champ d'application de ces outils aux « contentieux où des évaluations pertinentes pourraient être opérées à partir de critères connus et identifiables ». Les MAAD permettraient alors d'éviter les disparités flagrantes d'indemnisation et de sécuriser les juges. Outre le contentieux de la réparation des préjudices corporels sont cités les préjudices économiques, les pensions alimentaires, l'article 700 du Code de procédure civile ou les indemnités de licenciement comme cadre de mise en application des MAAD. Des garanties sont proposées : que les résultats des algorithmes soient versés au débat judiciaire, comme d'autres éléments, que la motivation soit renforcée et que la justice soit rendue collégialement. Pour les magistrats interrogés, il importe aussi « que les MAAD soient encadrés par les services du ministère de la Justice ».

Sources : UNS, rapport du 23 juillet 2019 (Lexis-Nexis)

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