Chronique Juridique
27/03/2023

Par Claire ROY

Avocat à la Cour

La loi du 21 décembre 2022 vient réformer les cas dans lesquels les demandeurs d’emploi peuvent bénéficier de l’Allocation de Retour à l’Emploi (ARE) en excluant les salariés qui abandonnent leur poste.

Cette réforme part du constat que 70% des licenciements pour faute grave ou lourde seraient motivés par un abandon de poste (Etude Dares, février 2023).

Pourquoi l’abandon de poste est-il si fréquent ?

En général, l’abandon de poste est la solution privilégiée par les salariés en cas de refus d’une demande de rupture conventionnelle.

De fait, un employeur a le droit de refuser une rupture conventionnelle, qui implique nécessairement un coût pour lui, même si celui-ci peut être faible lorsque le salarié a peu d’ancienneté.

En cas de refus, la solution la plus pratiquée reste donc l’abandon de poste.

Cette solution peut être proposée par l’employeur qui ne veut pas assumer les coûts de la rupture conventionnelle ou être la seule option du salarié qui veut quitter son emploi en bénéficiant de l’ARE.

Que va changer la réforme ?

Actuellement, bénéficie de l’ARE le salarié qui est involontairement privé d’emploi.

Si le salarié qui démissionne est donc en principe privé du bénéfice de l’assurance chômage (hormis les cas de démission légitime ou démission pour création d’entreprise), le salarié licencié a droit à l’ARE, peu importe le motif de licenciement.

La réforme prévoit une présomption de démission du salarié qui abandonne son poste et l’exclue en conséquence du bénéfice de l’ARE (article L1237-1-1).

Cette réforme est également critiquée pour plusieurs raisons.

Elle instaure une présomption de démission, alors que la démission doit nécessairement découler d’une volonté claire et non équivoque du salarié.

Cette nouvelle règle revient à sanctionner les salariés qui abandonnent leur poste, alors qu’un salarié licencié pour faute lourde (avec une intention de nuire à son employeur) bénéficiera de l’ARE.

Malgré les critiques faites à cette réforme, le Conseil constitutionnel a considéré qu’elle était conforme à la constitution dans une décision du 15 décembre 2022. L’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions est imminente (date de publication prévue au plus tard pour le 31 mars 2023).

Quelle solution pour les salariés ?

Il faut préciser que la réforme prévoit que le salarié présumé en abandon de poste et qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.

L’affaire doit être en principe portée devant le bureau de jugement dans un délai d’un mois à compter de sa saisine, à charge pour le Conseil de Prud’hommes de se prononcer sur la nature de la rupture et ses conséquences.

Ce sera donc au salarié de démontrer que son abandon de poste était justifié notamment par des manquements de l’employeur à ses obligations.

Il sera bien évidemment impossible d’obtenir une décision dans un délai d’un mois, compte tenu des délais de traitement des dossiers par les juridictions prud’homales, même si les juridictions d’Occitanie ne sont pas les plus encombrées en comparaison des juridictions de la région parisienne.

La conclusion à tirer de cette réforme est simple : dans le cas où il ne s’agit pas de quitter son emploi pour un autre poste, un souhait de départ nécessite la mise en place d’une stratégie de négociation et d’une stratégie judiciaire à défaut de possibilité de négocier.

En cas de manquements de l’employeur à ses obligations (exemples : retard dans le paiement des salaires, non-paiement des heures supplémentaires, dégradation des conditions de travail…), il est notamment possible de saisir le Conseil de Prud’hommes pour qu’il juge que la rupture du contrat de travail intervient à la suite d'une faute de l’employeur, et ainsi permettre au salarié de bénéficier de l’assurance chômage.

Les avocats toulousains sont à la disposition des salariés qui souhaitent trouver une solution pour quitter leur emploi et bénéficier de l’ARE. Ils peuvent également accompagner les employeurs dans la gestion du souhait de départ d’un salarié, et dans toutes leurs problématiques quotidiennes en droit du travail.

Article paru dans La Dépêche du Midi, Annonces légales

À lire aussi