Par Maître Laurent Ducharlet, avocat au Barreau de Toulouse

Ce n’est pas toujours la malveillance qui enfreint la loi. Parfois, c’est l’oubli. Parfois, c’est la générosité.
On croit bien faire, et l’on oublie. Un oubli doux, presque touchant, celui de mettre à disposition de son salarié un téléphone, un logement, un véhicule ou un ordinateur pour ses besoins personnels. Un geste généreux, pratique, humain. Et pourtant, dans le silence d’un bulletin de paie non renseigné, dans le mutisme d’une ligne absente, se glisse une faute. Une faute aux yeux de l’URSSAF. Une faute aux yeux du droit.
La Cour de cassation, les juridictions d’appel : toutes rappellent que les intentions, aussi nobles soient-elles, ne dispensent pas de respecter la loi. Car ce que l’on n’indique pas sur la fiche de paie existe tout de même. Un avantage en nature n’est pas un cadeau : c’est un élément de salaire. Il doit être déclaré, évalué, soumis à cotisations.
Deux mots lourds pour une générosité légère
Et si ce n’est pas le cas ? Alors, ce geste devient dissimulation. Oui, travail dissimulé : deux mots lourds pour une générosité légère. Deux mots qui suffisent à ouvrir les portes d’un redressement URSSAF et à condamner l’employeur à verser six mois de salaire à celui qu’il pensait aider.
Le premier châtiment a été prononcé par la Cour d’appel de Bordeaux dans une décision du 17 avril 2025 (RG n°23/00686). L’arrêt relate la déconvenue d’un employeur qui pensait pouvoir mettre à disposition de ses salariés des téléphones portables, leur autoriser un usage à des fins personnelles sans qu’un avantage en nature soit décompté sur leur fiche de paie. Inspecteurs du recouvrement et juges bordelais ont été à l’unisson pour retenir la faute du bienfaiteur. L’avantage évalué est réintégré dans l’assiette des cotisations. Le douloureux redressement de plus de 60 000 euros est approuvé.
La seconde sentence, c’est celle portée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 décembre 2024 (n°23-14.259) : La Haute Cour y décrit le cas d’un employeur qui logeait un salarié dans un bâtiment de l’entreprise, sans le mentionner nulle part. Pas une ligne. Rien. Pour la Cour, c’est une évidence : "l’intention de dissimuler est caractérisée". Nul besoin de rechercher une preuve supplémentaire de l’intention délictuelle. La condamnation de l’employeur à verser à son ancien salarié une indemnité de plus de 15 000 euros est entérinée.
Certains y verront une audace salutaire, d'autres une trahison des équilibres anciens. La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un mouvement inattendu, choisit de s'accorder à la voix déjà posée de la chambre criminelle.
Alors, que faut-il retenir ?
Qu’une main tendue peut cacher, bien malgré elle, une infraction. Qu’en droit du travail, le silence n’est jamais neutre. Et que, pour un employeur, la bienveillance ne dispense jamais de la vigilance.
À chaque étape de la vie d’une entreprise, quand les choix se cherchent, qu’une bonne intention se dessine ou que les litiges s’imposent, les avocats du Barreau de Toulouse sont là : non pas pour dicter, mais pour éclairer. Ils avancent à vos côtés, en conseil comme en contentieux, mêlant raison et expérience, pour que le droit ne soit jamais un obstacle mais un appui fidèle.
Article paru dans La Dépêche du Midi, Annonces légales